Réforme de l’accès à la profession en Région de Bruxelles-Capitale - © Maël Balland
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- Par Thomas Mouligneaux

Réforme de l’accès à la profession en Région de Bruxelles-Capitale

La réforme de l’accès à la profession a été finalisée par l’entrée en vigueur du volet sur la simplification des règles relatives à l’exercice et l’organisation des activités ambulantes et foraines. Revenons sur ces changements.

Depuis la 6e réforme de l’État, les Régions sont compétentes pour déterminer les conditions d’accès aux professions. La Région de Bruxelles-Capitale en a fait usage en supprimant l’exigence des connaissances de gestion de base, l’exigence de 5 compétences professionnelles et la plupart des autorisations pour les activité ambulantes et foraines.

1/ Suppression de l’exigence des connaissances de gestion de base

La suppression de l’exigence des connaissances de gestion de base, actée en Flandre depuis 2018, met un terme à certaines discriminations, notamment sur base du niveau d’étude. En effet, seuls les titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou d’un certificat spécifique de l’enseignement secondaire se les voyaient reconnaitre automatiquement. Un autre moyen consistait à justifier, selon les cas, de 3 à 5 ans d’expérience pratique en tant que chef d’entreprise indépendant, travailleur ayant occupé une fonction dirigeante, aidant indépendant ou encore associé actif. Les autres, eux, devaient passer un examen devant le jury central organisé par Bruxelles Économie et Emploi pour en attester.

Les travaux préparatoires de l’ordonnance simplifiant les règles en matière d’accès à la profession nous apprennent qu’à l’origine, l’exigence des connaissances de gestion de base entendait prévenir le nombre de faillites. Cette ambition n’a pas été rencontrée dans les faits, en plus de constituer un obstacle important pour les candidats entrepreneurs. Cette suppression efface également un élément de distorsion de concurrence entre Régions. A la place, un renforcement du régime des aides aux entreprises pour faciliter le recours à des formations en gestion ou en management sera organisé.

Sur le plan de la conformité au droit européen aussi, le régime présentait des incohérences que la réforme vient corriger. La directive 2005/36 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles énonce le principe selon lequel les personnes qui ont le droit d’exercer une profession dans leur État membre d’origine doivent, sous certaines conditions, également pouvoir exercer la même profession dans d’autres États membres. La directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur, quant à elle, impose qu’un régime d’autorisation soit justifié par une raison impérieuse d’intérêt général et que l’objectif poursuivi ne puisse être réalisé par une mesure moins contraignante. Selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne, des raisons purement économiques, telles que la limitation du nombre de faillites, ne peuvent suffire. Enfin, ces régimes doivent aussi être notifiés à la Commission européenne, ce qui n’a jamais été le cas du régime des connaissances de gestion de base.

2/ Suppression de l’exigence de 5 compétences professionnelles

Le second volet de la réforme emporte la suppression de l’exigence des compétences professionnelles spécifiques pour 5 professions : grossiste en viandes-chevillards, dégraisseur·euse-teinturier·ère, pédicure, massage et technicien·ne dentaire. C'est le cas en Région Wallonne depuis 2019.

3/ Suppression des autorisations pour les activités ambulantes et foraines

Avec l’entrée en vigueur le 1er avril 2024 de l’arrêté royal du 22 février 2024 du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale modifiant l'arrêté royal du 24 septembre 2006 relatif à l'exercice et à l'organisation des activités ambulantes et l'arrêté royal du 24 septembre 2006 relatif à l'exercice et à l'organisation des activités foraines et des activités ambulantes de gastronomie foraine, les autorisations préalables pour l’exercice des activités susvisées sont supprimées.

Ces autorisations spécifiques, délivrées par les Guichets d’entreprise agrées, étaient prévues par la loi du 25 juin 1993 sur l’exercice et l’organisation des activités ambulantes et foraines. Leur suppression découle du constat qu’elles n’offraient, dans la plupart des cas, aucune valeur ajoutée tout en représentant une charge administrative conséquente pour les entreprises. En effet, outre une source de discrimination entre individus dans certains cas, le régime d’autorisation était devenu superflu en ce qu’il visait notamment à contrôler les capacités entrepreneuriales, lesquelles font déjà l’objet d’un contrôle au moment de l’inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises. Désormais, seule suffit l’inscription à la BCE pour l’exploitant d’une activité ambulante. Les associés de fait de l’exploitant (personne physique) et la personne responsable de la gestion quotidienne (personne morale), jadis soumises à autorisation préalable, ne doivent eux pas s’inscrire à la Banque-Carrefour.

Une exception toutefois, les activités ambulantes exercées au domicile du consommateur, dont l’autorisation préalable a été maintenue. En réalité, ce régime vise comme seule condition le fait de ne pas être condamné pour certains délits (soit une « exigence de moralité »). Les travaux préparatoires de la loi justifient ce régime d’autorisation par une raison impérieuse d’intérêt général, à savoir la protection du consommateur.

Autre innovation, le nouvel article 14bis de la loi qui vise à créer une base juridique explicite pour le traitement des données à caractère personnel nécessaires à l’encadrement de l’organisation et l’exercice des activités ambulantes et foraines.

La réforme emporte enfin certaines modifications terminologiques du cadre juridique, telles que le remplacement du concept suranné de « commerçant » par celui d’« entreprise », afin de le rendre plus conforme aux évolutions du droit des sociétés et des entreprises depuis 2014.

Expertises liées: Gestion publique et textes légaux, Economie et finances publiques