La Cour constitutionnelle rejette le recours contre le moratoire hivernal en matière d'expulsion domiciliaire à Bruxelles - ©JOEL SAGET & AFP
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La Cour constitutionnelle rejette le recours contre le moratoire hivernal en matière d'expulsion domiciliaire à Bruxelles

Par l’arrêt 131/2025 du 9 octobre 2025, la Cour constitutionnelle rejette le recours demandant l’annulation de l’ordonnance du 22 juin 2023 modifiant la procédure d’expulsion d’un locataire de son logement.

Adoptée par le législateur bruxellois en 2023, l’ordonnance du 22 juin 2023 modifiant la procédure d’expulsion d’un locataire de son logement (ci-après, « l’ordonnance du 22 juin 2023 ») aménage la procédure applicable en matière d’expulsion de locataires et éventuels reports d’exécution de jugement d’expulsion. L’article 233duodecies du Code bruxellois du Logement, tel qu’inséré par l’article 4 de l’ordonnance du 22 juin 2023 dispose que tout recouvrement de loyers ou charges doit commencer par une mise en demeure adressée au locataire accordant au minimum un délai d’un mois pour payer. Ensuite, lorsque le propriétaire introduit une action en justice afin de demander l’expulsion, un délai de 40 jours doit s’écouler avant toute comparution devant le juge. 

L’exécution du jugement d’expulsion peut être reportée en application de 3 mesures prévues aux articles 233undecies et 233duodecies,  de l’ordonnance : 

  • un délai d’un mois minimum avant l’exécution suivant la signification du jugement, pouvant être prolongé ou réduit par le juge en considération de circonstances de gravité particulière,
  • un délai de 15 jours avant l’expulsion suivant un avis d’un huissier de justice informant le locataire de la date d’expulsion (avec un potentiel autre report si le locataire informe l’huissier de justice d’une solution de relogement dans le mois suivant cet avis) et,
  • un empêchement d’exécuter le jugement sauf exceptions du 1er novembre au 15 mars, période qualifiée de « moratoire hivernal ». 

Le Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires a intenté un recours demandant l’annulation de l’ordonnance du 22 juin 2023. 

La Cour a jugé que le législateur bruxellois était compétent pour fixer les conditions d’exécution d’expulsions dans le cadre de contrats de baux d’habitations et que cette compétence n’entravait pas l’exécution des décisions judiciaires, propre au fédéral. En outre, la Cour a estimé que l’incidence sur la compétence fédérale était marginale. 

En matière de droits fondamentaux, la Cour a estimé que les trois mesures reportant l’exécution des jugements d’expulsion entraînaient une restriction du droit de propriété et d’accès au juge et a par conséquent effectué un examen du but légitime, de justification raisonnable et de juste équilibre entre les intérêts en cause. La Cour a conclu que les deux premières mesures servent à garantir une meilleure prise en charge des personnes faisant l’objet d’une potentielle expulsion ainsi qu’à tendre vers une solution de relogement. Concernant la troisième mesure, à savoir le moratoire hivernal, la Cour a souligné qu’il permettait d’éviter des situations contraires à la dignité humaine faute de solution de relogement. La Cour a conclu qu’il s’agissait d’objectifs légitimes et que les mesures en cause étaient pertinentes dans l’atteinte de ces derniers. 

En outre, la Cour a estimé que ces mesures n’étaient pas disproportionnées.

Concernant la première mesure et l’option dont dispose le juge de prolonger ou réduire le délai d’un mois entre la décision d’expulsion et son exécution, la Cour a relevé que cela ne s’appliquait qu’en cas de « circonstances d’une gravité particulière », en considération des intérêts des parties en cause et avec fixation d’une indemnité d’occupation en principe équivalente au loyer. 

Concernant la deuxième mesure permettant au locataire de communiquer une solution de relogement à l’huissier de justice, la Cour a rappelé qu’une preuve sérieuse de relogement était exigée et que la solution devait être différente que celle prise en compte par le juge. La Cour a statué que, sous réserve de cette interprétation et considérant la possibilité du propriétaire de soumettre au juge des saisies toute contestation, cette mesure n’était pas disproportionnée. 

Concernant la troisième mesure organisant le moratoire hivernal, la Cour a souligné le maintien d’une indemnité d’occupation, en principe équivalente au loyer, l’éventuelle intervention du Fonds budgétaire régional de solidarité faute de paiement, ainsi que 4 exceptions au régime. Concernant l’intervention du Fonds uniquement pour la mesure de moratoire hivernal, qualifiée par les requérants de discriminatoire, la Cour a souligné les délais plus longs de suspension d’exécution des expulsions ainsi que le caractère automatique de la suspension, et ce faisant le caractère non-discriminatoire de l’intervention du Fonds cantonnée à la troisième mesure.  

La Cour a également estimé que les délais applicables n’étaient pas disproportionnés et étaient pertinents. 

Il convient de noter que la Cour a rejeté le recours sous réserve de son interprétation concernant les violations alléguées des droits fondamentaux d’accès au juge et de propriété et son examen de proportionnalité à l’aune des objectifs et mesures concernés, qu’elle qualifie de légitimes et pertinents, d’assurer une bonne prise en charge, garantir une solution de relogement et éviter des situations contraires à la dignité humaine.

Cette décision de la Cour constitutionnelle fait écho à deux arrêts précédents concernant respectivement l’arrêt n° 97/2022, 14 juillet 2022 relatif à l’interdiction temporaire d’expulsions domiciliaires en Région Bruxelles-Capitale pendant la crise du COVID ainsi que l’arrêt n° 147/2023 du 9 novembre 2023 relatif à la suspension des exécutions des décisions d’expulsions judiciaires et administratives pendant la crise énergétique en Région wallonne. 

Pour en savoir plus :
L’arrêt 131/2025 du 9 octobre 2025 de la Cour constitutionnelle
Communiqué de presse de la Cour constitutionnelle

Expertises liées: Immobilier et urbanisme, Gestion publique et textes légaux