Nouveautés en droit européen environnemental : devoir de diligence des entreprises, qualité de l’air, économie circulaire, réforme du marché européen d’électricité, PAC, NZIA, transports, et délinquance environnementale … - ©CC BY 2.0 DEED
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- Par Camille de Bueger

Nouveautés en droit européen environnemental : devoir de diligence des entreprises, qualité de l’air, économie circulaire, réforme du marché européen d’électricité, PAC, NZIA, transports, et délinquance environnementale …

Fin avril dernier, le Parlement européen a voté différents textes en droit européen environnemental, EQUAL fait le point.

1/ L'adoption de la directive sur le devoir de diligence en matière de développement durable des entreprises (CSDDD) échelonne de nouvelles obligations à partir de 2027 pour les (très) grandes entreprises de l'UE et des pays tiers opérant sur le marché unique. Parmi les mesures en question, ces entreprises devront respecter un devoir de vigilance en investissant dans leur décarbonation, en s'assurant que leurs partenaires se conforment à celui-ci et en s'engageant à respecter l'objectif de l'Accord de Paris sur le climat.


2/ L'adoption de la directive sur la qualité de l’air ambiant fixe de nouvelles valeurs limites pour les concentrations atmosphériques de dioxyde d'azote (NO2), de dioxyde de soufre (SO2) et de particules fines (PM10 et PM2,5) que les États membres devront transposer dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du texte. Ce renforcement reste néanmoins au-dessus des normes préconisées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et son application pourra faire l'objet d'un report de dix ans pour certains États membres sous certaines conditions. Cela étant, la directive prévoit un réexamen régulier de ces valeurs limites et facilite les recours et les indemnisations pour les personnes affectées par la pollution de l'air.

3/ L’adoption de trois textes clés pour l'économie circulaire concernant les emballages, la réparation et l'écoconception :

    Premièrement, le règlement sur les emballages et les déchets d'emballages comprend des objectifs de réduction des emballages de 5 % d'ici à 2030, de 10 % d'ici à 2035 et de 15 % d'ici à 2040 (par rapport à 2018), ainsi que des mesures d'interdiction visant spécifiquement certains emballages en plastique, comme les sacs de moins de 15 microns, les chips de polystyrène, les emballages de fruits et légumes, les emballages d'aliments et de boissons dans les cafés et restaurants, ou encore les emballages miniatures pour les produits cosmétiques et de toilette utilisés dans l'hôtellerie. Le texte prévoit aussi de limiter le taux d'espace vide dans les emballages à 50 %. Le réemploi sera favorisé grâce notamment à l'ajout d'objectifs de réutilisation des emballages de boissons, des emballages de transport et de vente, et des emballages groupés. Quant au recyclage, il sera favorisé par l'obligation de mise en marché d'emballages recyclables en 2030 et « recyclés à l'échelle » en 2035, c'est-à-dire avec un taux de recyclage effectif d'au moins 50 %. De même, le texte fixe de nouveaux objectifs d'incorporation de plastique recyclé qui devraient doper la demande en polymères régénérés.

    Deuxièmement, la directive établissant des règles communes en faveur de la réparation des produits a pour objectif d'inciter les consommateurs à choisir la réparation, afin de réduire les quantités de déchets. Pour cela, le projet de directive crée un « droit à la réparation » qui renforce les obligations des fabricants concernant la réparation de leurs produits sous garantie, ainsi que celle de certains de leurs produits hors garantie (cette réparation hors garantie concerne l'électroménager et pourra être étendue à d'autres produits). En outre, il renforce la mise à disposition des pièces détachées et des outils et interdit les clauses contractuelles et les techniques matérielles ou logicielles entravant les réparations.

    Troisièmement, le règlement sur l'écoconception des produits durables vise à remplacer la directive de 2009 sur l'écoconception par un texte de portée plus large. Il ajoute à la réglementation européenne des critères d'écoconception concernant les aspects clés de la durabilité, de la réparabilité et de la recyclabilité des produits, afin de compléter les critères de consommation d'énergie pris en compte jusqu'à présent.

    4/ L’approbation du retrait coordonné du Traité de la charte de l'énergie (le « TCE ») qui a été signé en 1994, par une cinquantaine de pays dans le monde, après la dislocation du bloc soviétique et qui est critiqué en ce qu’il continue de soutenir les énergies fossiles et expose les pays adhérents, choisissant de s'éloigner de ces dernières, à des poursuites judiciaires de la part d'entreprises pétrogazières cherchant des compensations financières. Ce vote suit l'adoption finale de deux textes (un règlement et une directive) réformant le marché européen de l'électricité. Ce paquet législatif vise à prémunir le consommateur européen de la volatilité des prix de gros, éprouvée par exemple au début de la guerre en Ukraine, en laissant la possibilité à la Commission de déclarer un « état de crise des prix », en favorisant des contrats à prix fixe et sans flexibilité d'approvisionnement ou encore en introduisant des « contrats d'écart compensatoire » (ou CEC) pour les producteurs d'énergie subissant cette volatilité.

    5/ La révision controversée, en procédure d'urgence, de l'actuelle Politique agricole commune (PAC). Ce réexamen modifie les règles relatives à six conditionnalités environnementales (BCAE) sur les neufs existantes auxquelles les agriculteurs doivent se conformer pour bénéficier d'un financement. Ainsi, il permet de prendre en compte l'arrêt de l'élevage dans l'obligation de maintenir des prairies (BCAE 1), afin de ne pas pénaliser les agriculteurs qui modifient leurs activités en se tournant vers la culture. Ce réexamen donne plus de flexibilité aux États membres dans la gestion du labour (BCAE 5) et la définition des « périodes sensibles » de l'année durant lesquelles les agriculteurs sont soumis à la couverture des sols de leur parcelle (BCAE 6). Il efface le respect strict de la rotation des cultures (BCAE 7), au profit d'une option de diversification des espèces cultivées simultanément. Il permet le labourage sur au moins une partie des prairies permanentes de sites classés Natura 2000 (BCAE 9), si la pression des prédateurs ou d'espèces exotiques envahissantes s'avère trop forte. Enfin, s'agissant de l'obligation de conserver un minimum de terres en jachères (BCAE 8), cette révision ouvre la voie au volontariat, laissant à la place le choix aux agriculteurs de planter des haies ou des arbres (choix qui sera alors financé par un nouveau programme d'aides).

    6/ L'adoption du règlement pour une industrie à zéro émission nette (NZIA) afin de renforcer la production européenne des technologies, aujourd'hui en majorité importées, nécessaires à la décarbonation. Ce texte fixe pour objectif que l'Europe produise, d'ici à 2030, 40 % de ses besoins annuels en équipements, technologies et produits propres et vise à capter 15 % de la valeur marchande mondiale. En outre, il simplifie les procédures d'autorisation des projets, d'une part, en établissant des délais maximaux d'autorisation, d'autre part, via la création de « vallées d'accélération à émission nette zéro ». Enfin, il impose que des critères de durabilité et de résilience soient pris en compte par les dispositifs nationaux de soutien aux ménages pour l'installation de technologies comme les panneaux solaires ou les pompes à chaleur, ainsi que par les procédures d'achat public et d'enchères pour le déploiement de sources d'énergie renouvelable.


    7/ L'adoption du règlement sur les nouvelles orientations du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), révisant trois précédents règlements (de 2010, de 2013 et de 2021), entend obliger les États membres à achever une série de « grands projets d'infrastructures de transport », comme les liaisons ferroviaires entre Helsinki et Varsovie ou Lisbonne-Madrid, avec des objectifs d'électrification et de vitesse, d'ici à la fin de l'année 2030 et d'en engager de nouvelles d'ici à 2050. Le règlement interrompt également toute extension du réseau avec la Russie ou la Biélorussie, prévoit d'accentuer les liaisons avec l'Ukraine et la Moldavie et oblige la Commission à prendre en compte « la planification de la mobilité militaire ».

      L'ensemble de ces textes auront encore à être approuvés formellement par le Conseil de l'Union européenne avant d'être publiés au Journal officiel de l'Union européenne et entrer en vigueur.

      Enfin, soulignons que la directive relative à la délinquance environnementale a été publiée au Journal officiel du 30 avril 2024. Les États membres devront la transposer dans leur législation nationale avant le 21 mai 2026. Elle vient remplacer la directive du 19 novembre 2008 et celle du 21 octobre 2009. En premier lieu, le texte fait passer de neuf à vingt le nombre de comportements illicites et intentionnels, constitutifs d'infractions. Parmi les nouvelles infractions figurent le recyclage illégal de composants polluants des navires, le trafic de produits interdits par le règlement sur la déforestation importée, le captage d'eau susceptible de causer des dommages substantiels à l'état écologique des masses d'eau, l'introduction d'espèces exotiques envahissantes, ou encore les infractions graves à la législation sur les produits chimiques, en particulier sur le mercure. En second lieu, la nouvelle directive renforce les peines applicables. Les infractions à l'origine de la mort d'une personne seront passibles d'une peine d'emprisonnement maximale d'au moins dix ans. La peine d'emprisonnement maximale pour les infractions qualifiées sera d'au moins huit ans. Les peines d'emprisonnement maximales applicables aux autres infractions seront d'au moins trois ou cinq ans, suivant les cas. Pour les infractions les plus graves, les personnes morales seront punies par des peines d'amende maximales qui ne pourront être inférieures à 5 % du chiffre d'affaires mondial ou à 40 millions d'euros (M€). Pour les autres infractions, la peine d'amende maximale sera d'au moins 3 % du chiffre d'affaire mondial, soit de 24 M€. Enfin, la directive prévoit d'améliorer la chaîne répressive.

      Expertises liées: Environnement