Faire cohabiter numérique et environnement ? - AlterNumeris - © Production Perig 2017
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- Par Thomas Mouligneaux

Faire cohabiter numérique et environnement ? - AlterNumeris

La question de la cohabitation entre numérique et environnement se pose partout, et notamment à Bruxelles, alors que vient d’être adopté, début 2024, l’ordonnance et le décret conjoints « Bruxelles numérique ».

En février 2024, le collectif AlterNumeris a publié un dossier qui creuse l’épineuse question de l’articulation entre numérique et environnement. Parfois associés, souvent opposés : quelle relation entretiennent ces matières entre elles ? Comme souvent, les interactions sont multiples et les effets contrastés. Par l’entremise de trois perspectives, le collectif propose une grille de de lecture objective permettant d’y voir plus clair.

La relation entre le numérique et l’environnement est une relation complexe. Les études sur le sujet sont rares et ne concluent pas toutes dans le même sens. Pour autant, celles-ci s’accordent à tout le moins sur deux constats : la consommation électrique liée au numérique n’est pas négligeable, et sa tendance n’est pas à la baisse. Le secteur numérique serait en effet responsable de 4 à 6 % des gaz à effet de serre mondiaux. à titre de comparaison, en 2018, les émissions du numérique équivalaient à la flotte de camions sur la planète au même moment, et excédaient celles de l’aviation civile. Les prévisions suggèrent en outre une augmentation rapide de ces émissions, de 4 à 6 % (voire 9 %, pour les moins optimistes). Entre 2019 et 2021, la consommation électrique du secteur lors de la phase d’usage du numérique représentait entre 5 et 8 % de la consommation mondiale. Cette tendance est elle aussi anticipée à la hausse, dans un contexte d’explosion du volume de données.

Que faire, face à ce constat ? Les transitions numérique et environnementale peuvent-elles malgré tout converger, voire se soutenir réciproquement ? Afin d’y répondre, AlterNumeris invite à un triple examen faisant intervenir tantôt un regard scientifique, tantôt un regard politique et tantôt un regard citoyen.

Le regard scientifique entend objectiver l’état des connaissances. Après examen de la littérature pertinente, force est de constater que les transitions numériques et écologique n’ont pas une tendance naturelle à se renforcer mutuellement. Le regard politique, quant à lui, expose différents scénarios face à une pluralité de futurs possibles. Ces scénarios résultent d’un arbitrage politique entre les thématiques de sobriété et d’efficacité. Selon que l’on accorde plus ou moins d’importance au développement de l’une ou de l’autre, la projection de notre société qui en découle s’en trouve modifiée. Enfin, le regard citoyen propose une grille de lecture critique à destination des individus. Elle les guide ainsi à travers les publications scientifiques via 4 grands axes. Ceux-ci visent le processus de production d’une étude (Qui en est le commanditaire ? Qui l’a produite ?), son périmètre (Quelles sont les données prises en compte ? Comment sont-elles définies ?), sa transparence et sa pertinence méthodologique (Peut-on reproduire soi-même les résultats donnés dans l’étude ? Quelles sont les hypothèses de base et poursuivent-elles un objectif en particulier ? L’étude comporte-t-elle un exposé de ses limites ?) et ses conclusions et recommandations (Les conclusions reflètent-elles fidèlement l’ensemble du travail ? Les recommandations sont-elles en lien direct avec les conclusions ?).

En conclusion, le collectif déplore la rareté des études sur le sujet, et invite en conséquence à la prudence. Si les liens entre transition numérique et environnementale sont manifestes, leur nature demeure débattue et dépend également du modèle de société pour lequel nous opterons à l’avenir. Les outils disponibles doivent être manipulés avec précaution et passés au filtre de notre esprit critique. Face à la persistance des incertitudes qui planent sur l’empreinte écologique globale du numérique, d’aucuns en appellent à l’application du principe de précaution avant de conclure à la nécessité d’une numérisation à tous les étages. Ce principe invite in fine chaque secteur économique à travailler à la réduction de son empreinte écologique en premier lieu, et le numérique n’y fait pas exception.

Pour consulter l’étude complète du collectif AlterNumeris, c’est par ici : « Faire cohabiter numérique et environnement ».

Expertises liées: Energie, Environnement